Chacun, par les choses visibles dans la nature, peut se confirmer dans la croyance dans la vie après la mort,
quand il voit les chenilles qui sont portées à changer leur état terrestre en un état analogue à l'état céleste,
en se mettant comme dans un utérus, et qui de chrysalides renaissent papillons. Quand ils se sont
métamorphosés, pourvus d'ailes magnifiques, ils folâtrent joyeusement dans les airs comme dans leur ciel
pour se nourrir d'aliments doux et agréables qu'ils tirent des fleurs. Est-il quelqu'un qui ne puisse voir
dans ces êtres comme chenilles, une sorte d'image de l'état terrestre de l'homme,
et dans ces mêmes êtres comme papillons, une sorte d'image de l'état céleste de l'homme ?
                                                                                                                                                                                  (DA 354)


 
 

 


Les mondes supérieurs

 

    Tout le monde s'accordera sur le fait qu'il y a des paradis mais aussi des enfers sur la Terre. Tout le monde sera aussi d'accord sur le fait qu'il y a parmi les hommes des anges et aussi des démons, et tout le monde admettra qu'il y a aussi des anges et des démons en chaque homme. Il n'y a pas besoin de religion, ni de morale pour constater ce fait, parce qu'il est évident. La question est de savoir maintenant ce qui va advenir de cet aspect de notre réalité humaine dans l'autre monde ?

    Ce que la Bible et Swedenborg entendent symboliquement par "Ciel", et "Enfer", correspond aux mondes supérieurs ou angéliques, et aux mondes inférieurs ou infernaux. Plutôt utilisés au pluriel dans la Bible les "Cieux" symbolisent les plans de conscience et de vie supra-conscients, les "Enfers" les plans de conscience et de vie infrahumains. Nous ne serons donc pas surpris de voir ces deux composantes de notre humanité, fondamentalement antagonistes, se différencier et se séparer progressivement l'une de l'autre.

    Mais commençons par poser le cadre général de ce que les mots "Ciel" et "anges" signifient :

    « Le Ciel est dans l'homme, il est au-dedans de chacun, et non au-dehors. Le Ciel chez l'homme est dans son interne. »

 (CE 33 ; DC 233 ; DC 234)

    « Le Ciel est dans l'homme et ceux qui ont en eux le Ciel viennent dans le Ciel. Tout ange, selon le Ciel qui est au-dedans de lui, reçoit le Ciel qui est hors de lui. Le Ciel en l'homme consiste à reconnaître le Divin et à être conduit par lui. »

(CE 319, 54)

  « Le genre humain est la fin pour laquelle le Ciel visible et toutes les Terres qu'il contient ont été créés, c'est pourquoi le genre humain ne cessera jamais. »

(JD 13)

   « Le Ciel comme l'Enfer proviennent du genre humain. Le genre humain est la base sur laquelle est fondée le Ciel, il est la pépinière du Ciel et aussi la fin pour laquelle à été créé le genre humain. » 

(CE 311 ; JD 7)

    « C'est pour le Ciel angélique que tout l'univers a été créé, il s'ensuit que la fin de la Création est le Ciel provenant du genre humain. L'homme a été créé pour vivre dans un état de bonheur éternel dans les mondes supérieurs. » 

(JD 13 ; DP 323)

    L'amour pour le Divin et la compassion à l'égard de tous les êtres fondent la vie et l'existence des mondes supérieurs. Le véritable bonheur réside dans la réception du Divin amour et de la Divine sagesse, rien d'autre. Et c'est la seule raison d'être du genre humain, qui est lui-même la seule raison d'être de cette Création universelle.

    Voilà pour commencer une image très générale qui pose au passage les grands principes fondamentaux à l'intérieur desquels vont venir s'inscrire des descriptions plus précises.

     « En général, tout ce qui apparaît dans le Ciel, apparaît absolument comme tout ce qui existe dans notre monde naturel et ses trois règnes. Et ces choses apparaissent aux yeux des anges, absolument comme dans notre monde aux yeux des hommes. Cependant il y a cette différence, que les choses qui apparaissent dans le Ciel sont dans un état immensément plus parfait car elles sont d'origine spirituelle et qu'elles procèdent du Divin. »

(AE 926 ; DC 7)

    Voici pour ce qui est de notre environnement immédiat, mais qu'en est-il à présent de notre condition existentielle, "physique" et psychique ?

    « Les anges sont des hommes semblables aux hommes dans le monde. Ils vivent, comme les hommes, par le cœur et par la respiration, comme eux ils sentent, pensent, agissent et parlent. Néanmoins, la différence est grande entre la vie de l'homme dans le monde spirituel et sa vie dans le monde naturel. Ceux qui sont dans le Ciel s'avancent continuellement vers le printemps de la vie, et plus ils vivent de milliers d'années, plus ils marchent vers un printemps plein de plaisirs et de bonheur et cela à éternité, avec des accroissements selon les progrès et les degrés. »  

(DA 176 ; CE 414)

    « Le Divin est présent en tout homme, et il le presse avec constance de le recevoir. Quand l'homme le reçoit, ce qui arrive lorsqu'il le reconnaît pour son Dieu, c'est son premier avènement en lui, appelé point du jour. A partir de ce moment, l'homme commence à être éclairé quant à la compréhension des choses spirituelles et à s'avancer vers une sagesse toujours plus profonde. A mesure qu'il reçoit cette sagesse, il s'avance par le matin vers le jour, et ce jour persiste chez lui dans la vieillesse jusqu'à la mort. Après la mort il vient dans le Ciel vers le Divin lui-même, et quoiqu'il soit mort vieux, il revient dans le matin de sa vie. Là, durant l'éternité, il continue à croître dans la sagesse qui a été implantée en lui dans le monde. »

(VRC 766)

    Il y a donc un accroissement continu, vers un degré d'intégration toujours meilleur, vers une transformation toujours plus grande. Transformation qui se transpose dans les cinq domaines fondamentaux de relation que sont : la relation à soi (en particulier au moi intérieur), à l'autre (le couple), aux autres ou à la communauté humaine, à la grande Nature, et enfin au Sacré.

    Ces transformations vont peu à peu insuffler en nous l'énergie de vie printanière que nous avions perdue avec notre jeunesse, mais avec l'acquis cette fois du chemin parcouru, ce qui fait une très grande différence. Il résulte de cette véritable régénération de nos êtres, un rajeunissement de notre apparence "physique", celle de nos corps spirituels, puisque l'extérieur et l'intérieur sont maintenant reliés au point de ne faire plus qu'un.

   « Toute qualité spirituelle que nous adoptons dans ce monde reste après la mort. Chacune de ces qualités est développée et perfectionnée. Tous ceux qui dans le monde se sont acquis de l'intelligence et de la sagesse, sont reçus dans le Ciel où ils deviennent des êtres angéliques, chacun selon sa qualité et la quantité d'intelligence et de sagesse. En effet, tout ce que l'homme s'acquiert dans le monde, il le garde et l'emporte avec lui après la mort, et cela aussi est augmenté et complété, toutefois dans le degré de son affection (amour dominant). Le mental de l'homme et de l'ange est tel, qu'il peut être enrichi à éternité, et il est perfectionné à mesure qu'il est enrichi. »

(CE 349 ; JD 12)

    « Il faut qu'on sache bien que ce sont les intérieurs chez les anges qui font qu'ils sont dans un monde angélique ou un autre. Il y a trois degrés intérieurs, tant, chez chaque ange, que chez chaque esprit et chez chaque homme. Ceux chez lesquels le troisième degré a été ouvert, sont dans le Ciel intime (le plus élevé), ceux chez lesquels a été ouvert le second degré ou seulement le premier, sont dans le Ciel moyen ou dans le dernier Ciel. Les intérieurs sont ouverts selon la réception du Divin, de son amour et de sa sagesse infinis. »

(CE 33)

    Augmenté, complété, enrichi, perfectionné à l'infini. De quel destin plus enviable pourrions-nous rêver ? Cette divine mesure reste en même temps conditionnée par la largeur, la profondeur et la hauteur de notre ouverture, par la qualité particulière et unique de notre réceptivité, qui fait notre âme. 

    Mais qu'en est-il à présent de notre vie au quotidien, et de notre vie sociale ?


    « Les usages dans les Cieux sont infiniment variés et diversifiés. L'usage de l'un n'est jamais entièrement semblable à celui d'un autre, et il en est de même du plaisir. Bien plus, les plaisirs de chaque usage sont innombrables. Ces plaisirs innombrables et variés sont néanmoins liés en un ordre tel, qu'ils se regardent mutuellement comme les usages de chaque membre, et de chaque organe dans le corps. Plus encore, ils sont comme les usages de chaque vaisseau, et de chaque fibre, dans chaque membre, et dans chaque organe. Lesquels sont dans une telle relation qu'ils regardent chacun leur bien dans l'autre, et ainsi chacun dans tous et tous dans chacun. De cette disposition universelle et particulière résulte qu'ils agissent comme un seul. »

(CE 405)

    Unité dans la diversité infinie des êtres, des formes, des usages et des plaisirs de vivre qui leur correspondent. Par "usus", traduit du latin par "usages", Swedenborg entend ici : fonctions, activités, métiers, savoir-faire, actions, œuvres, etc. Les anges ne passent donc pas leur temps à se pâmer dans les nuages, les vrais plaisirs sont dans les choses que nous réalisons. Ces choses, avec leurs plaisirs associés, s'accordent les unes avec les autres pour former un tout unifié. Suprême bonheur que celui de faire un avec tous les autres, tout en restant soi, comme la note d'un seul et unique instrument dans le chorus d'un vaste orchestre qui jouerait une symphonie Divine. On ne vit pas et on n'agit pas que pour soi, mais pour le bien de tous, comme chaque organe dans un corps, et c'est cela qui fait le "Ciel".

    Comme le souligne régulièrement Swedenborg, le Ciel et la condition angélique ne sont fondamentale-ment pas différents de notre monde, ni de ce que nous sommes actuellement, sauf évidemment que tout y est en même temps complètement autre. Les mondes supérieurs correspondent avant tout à des plans de conscience et de vie "supraconscients". Le chemin est donc celui d'une montée dans la conscience, ainsi que vers la lumière, la clarté et l'unité qu'elle engendre.

   « Je me suis entretenu avec les anges sur la mémoire des choses passées, et par suite sur le souci des choses futures, et j'ai appris que plus les anges sont intérieurs et parfaits, moins ils s'occupent du passé et moins ils pensent à l'avenir, et que c'est même de là que procède leur félicité.

    Les anges ne s'occupent ni du passé ni du futur, mais néanmoins ils ont une mémoire très parfaite des choses passées, et une très grande intuition des choses futures, parce que chez eux dans tout présent il y a le passé et le futur.

Ils disent que le Divin leur donne à chaque moment d'être avec béatitude et félicité, et qu'ils n'ont plus ainsi aucun souci, ni aucune inquiétude de quoi que ce soit. »

(AC 2493)

    "Vivre dans l'instant", c'est se libérer du poids du passé et de l'inquiétude du futur. Mais il y a plus, la conscience du temps y est différente, le passé, le présent et l'avenir se rejoignent pour ne plus faire qu'un, L'écoulement du temps n'est plus le même que celui que nous connaissons actuellement, ce qui ne veut pas dire non plus qu'il n'y ait plus de temps. Le temps s'y écoule encore bien sûr, mais ce n'est plus le temps du sablier condamné à finir avec le dernier grain de sable. Non c'est celui d'une source de vie éternelle, où le seul fait "d'être", représente une béatitude et une extase en soi. L'instant éternel s'écoule du plus intime de l'âme comme un nectar sans pareil, nous devenons "être dans l'Être", "lumière dans la Lumière", sans qu'il puisse s'agir d'une fusion définitive avec le Divin, car nous restons créature, mais dans la lumière du Créateur. C'est une libération immense en même temps qu'une véritable illumination, qui descend à la fois d'en haut et qui remonte du dedans, pour tout remplir de magnificence et de mystère.

    « Les béatitudes, les agréments, les plaisirs et les charmes, en un mot, les félicités du Ciel, ne peuvent pas être décrits par des paroles, mais ils peuvent dans le Ciel être perçus par les sens. Ces félicités sont inexprimables, leurs variétés sont infinies, et chacune est ineffable. Mais ces félicités montent dans le même degré que la sagesse, et à mesure que l'homme s'éloigne des convoitises. »

(DP 39)

    Le détachement par rapport aux possessions, aux désirs et aux attachements, reste la voie de cette sagesse, et nous n'y progressons que dans la mesure de notre travail de nettoyage, de clarification et d'élévation intérieurs. Il nous faut chasser les démons intérieurs, repousser les mauvaises influences, balayer toutes les énergies négatives, travailler sur toutes les ombres et imperfections.

    « Presque tous ceux qui viennent dans l'autre vie, s'imaginent que l'enfer et le Ciel sont semblables pour tous. Cependant il y a dans l'un et dans l'autre des variétés et des diversités infinies. Jamais l'enfer de l'un n'est absolument semblable à l'enfer d'un autre, ni le Ciel de l'un à celui d'un autre. De même qu'il n'y a jamais un homme qui soit absolument semblable à un autre, pas même quant au visage. Toute unité est formée par l'action harmonique de plusieurs, et elle est telle qu'est cet accord. »

(CE 405)

    Chaque chose dans l'univers est unique, du plus petit grain de matière jusqu'aux super amas galactiques, l'unité se crée, dans et par la diversité infinie des êtres et des mondes.

    « L'étendue du Ciel, pour les anges, est si immense, qu'elle ne peut être remplie à éternité. En effet, les Cieux consistent en d'innombrables sociétés. Dans les Cieux il y a communication de tous avec chacun et de chacun avec tous, ce qui fait que la perfection du Ciel augmente selon la pluralité. La forme du Ciel est éternellement perfectionnée selon la pluralité, car plus il y en a qui entrent dans cette forme de l'amour Divin, qui est la Forme des formes, plus l'union devient parfaite. » 

(JD 11, 12 ; DP 62)

    « Le Ciel pendant toute l'éternité n'est jamais rempli, et plus il y vient d'esprits, et plus la béatitude et la félicité s'accroissent pour ceux qui sont dans le Ciel, parce que l'unanimité en devient plus forte. »

(AC 2130)

    L'immensité quasi infinie des mondes, mais aussi des plans de conscience supérieurs et des sphères de vie angéliques qui leur correspondent, dépasse tout entendement. Il y a pourtant un ordre cosmique, un tout qui a une "forme". Forme, au sens de structure, d'architecture, constituée par un ensemble de forces, d'esprits, de qualités spirituels précisément diversifiés.

    « Tout le Ciel a été disposé par le Divin selon son ordre, et tout le Ciel dans un seul complexe représente un seul homme, appelé par les anges le "Très-Grand-Homme". » 

(CE 200. 59 à 67)

    C'est une vision que l'on trouve déjà dans la Kabbale médiévale avec "l'Adam Kadmon" et "l'Arbre des Sephirot", et sous des formes diverses dans beaucoup d'autres traditions. Le schéma corporel est comme une image concentrée du grand univers, un "microcosme" expression du macrocosme. Grand cosmos, lui-même image du Créateur.

    Il ne faudra évidemment pas entendre ici que le corps dans sa réalité physique, soit le schéma Divin et universel par excellence. Il s'agit du corps dans sa dimension "archétypale", du "corps-idée" au sens platonicien du terme, c'est-à-dire d'un complexe, d'une hiérarchie de forces et de fonctions particulières. Soulignons qu'il ne s'agit pas tant d'une vision anthropomorphique que fractale de l'univers, où l'on retrouve constamment, à tous les étages de cette réalité, du plus grand au plus petit, une même architecture fonctionnelle fondamentale.

    Nous n'aurons fait que rapidement parcourir quelques aspects de ce que Swedenborg enseigne sur les mondes angéliques et la condition des anges qui, rappelons-le, ne sont rien d'autres que des "hommes-esprits" évolués, spiritualisés.

    Après être montés dans les Cieux avec les anges, descendons à présent dans les enfers avec les "hommes-esprits" qui les habitent, surnommés dans la Bible, "esprits impurs", "mauvais esprits", ou "démons". Suite : les mondes inférieurs

 

 

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