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Les trois états de la vie après la mort
« A ce que je viens de vous exposer je dois ajouter une observation que vous aurez souvent l'occasion de vérifier : c'est que la vie au-delà de la sépulture est d'une extrême diversité. Non seulement ce qui est vrai pour l'un ne l'est pas de tous, mais encore l'esprit de chaque personne y traverse des phases fort différentes. Nous allons voir en particulier qu'il y a trois états dans le monde intermédiaire. »
(Charles Byse - Cours trois à six, p 50.)
« Il y a trois états par lesquels l'homme passe après la mort, avant de monter vers les mondes supérieurs et angéliques, ou de chuter dans les mondes inférieurs et infernaux.
Le premier est celui de sa nature et de sa vie extérieure, le second celui de sa vie intérieure, et le troisième celui de son instruction et de sa préparation. L'homme passe par ces trois états dans le monde des esprits.
Le premier état de l'homme après la mort est semblable à son état dans le monde ; parce qu'il est alors pareillement dans les choses externes. Il a une apparence, un langage, une façon de penser, une vie morale et sociale semblables. Il en résulte que s'il ne portait pas son attention sur les choses et les êtres qui l'entourent, et sur ce que les anges lui ont dit à sa résurrection, à savoir qu'il est maintenant un esprit, il pourrait facilement croire qu'il est encore dans le monde.
Le second état, après que l'esprit soit passé par le premier état, est celui de sa nature et de sa vie intérieure. Il est admis dans l'état de sa volonté et de sa pensée intérieures, état dans lequel il était dans le monde, lorsque livré à lui-même, il pensait librement et sans contrainte. Lorsqu'il est dans cet état, il est en lui-même, et dans sa vie réelle, car penser librement d'après sa propre affection (son amour dominant), fait la vie même de l'homme.
Devenu esprit après sa mort, l'homme est mis alternativement dans les deux états de sa vie, l'externe et l'interne. Lorsqu'il est dans l'état externe, il parle et agit tout à fait normalement comme dans le monde. Mais quand, de cet état externe il est mis dans son état interne, alors il apparaît tel qu'il est en lui-même, en dehors de toutes apparences extérieures.
Quand un esprit est dans l'état de sa nature et de sa vie intérieures, on peut voir clairement quel homme il avait été dans le monde, car il agit alors d'après sa propre nature. Celui qui était intérieurement dans le bien, agit alors d'une façon éclairée et sage, voire même plus sage que dans le monde. En effet, il a été dégagé des liens qui l'attachaient au corps et par suite aux choses terrestres qui étaient une cause d'obscurité et qui le recouvraient d'une sorte de voile. Au contraire, celui qui était intérieurement dans des affections mauvaises, lorsqu'il est dépouillé de sa vie extérieure, sa folie apparaît au grand jour.
La séparation des mauvais esprits d'avec les bons se fait donc dans le second état, car dans le premier état ils sont ensemble, puisque tant que l'esprit est dans les externes, il est tel qu'il était dans le monde : ainsi le mauvais avec le bon et le bon avec le mauvais. Il en est tout autrement lorsque l'esprit est amené dans ses internes, il est alors livré à sa nature et sa volonté propres.
Le troisième état de l'homme après la mort est un état d'apprentissage et de préparation pour le Ciel. Cet état est pour ceux qui montent dans les plans supérieurs pour devenir des anges, mais non pour ceux qui descendent dans les mondes inférieurs, bien qu'à chaque homme il soit toujours donné la faculté d'amender sa vie, s'il est possible.
L'instruction dans les Cieux diffère de l'instruction sur la Terre en ce que les connaissances sont transmises non à la mémoire, mais à la vie. Chez chacun l'affection du vrai est conjointe à l'affection de l'usage, à tel point qu'elles ne font qu'un, et le vrai est immédiatement implanté dans l'action. »
(CE 491, 493, 502, 505, 512, 517)
« Pour compléter ce qui concerne les trois états du monde intermédiaire, disons que dans le premier état on est appelé "homme-esprit", dans le second état seulement "esprit", et dans le troisième "esprit angélique". Ces noms résument parfaitement ce qui vient d'être exposé. »
(Charles Byse - Cours trois à six, p 65.)
Voici, en quelques phrases, posées les grandes lignes de forces et de transformations qui sont mises en oeuvre dans l'autre vie. Mais ce n'est encore qu'une carte qui recouvre un immense territoire, et qui mérite quelques approfondissements.
« Aussitôt que l'homme entre dans le monde des esprits, ce qui arrive peu après sa résurrection, son esprit a le même visage, la même apparence, la même voix que celle qu'il avait dans le monde. Cela vient de ce qu'il est alors dans l'état de ses externes, et que ses internes n'ont pas encore été découverts. Cet état est le premier état des hommes après la mort.
Ensuite son apparence extérieure change et devient tout autre. Elle devient semblable à l'amour dominant ou l'amour régnant dans lequel étaient les intérieurs de son mental lorsqu'il était dans le monde. En effet le visage de l'esprit de l'homme diffère beaucoup de celui de son corps terrestre. Celui de son corps provient de ses parents, mais celui de son esprit provient de son amour, dont il est une image. C'est ce visage que prend l'esprit de l'homme quand les externes sont retirés et que les internes sont dévoilés. Cet état est le second état de l'homme après la mort.
J'ai vu quelques personnes récemment sorties de ce monde. Je les ai tout d'abord reconnues à leur visage et au son de leur voix, mais plus tard en les rencontrant de nouveau je ne les ai plus reconnues. Celles qui avaient été dans de bonnes affections présentaient de beaux visages, tandis que celles qui avaient été dans des affections mauvaises avaient des visages difformes.
Si les visages se transforment ainsi, c'est parce que dans l'autre vie il n'est plus possible de se donner une apparence extérieure qui ne soit pas conforme à ce que nous sommes intérieurement, car l'esprit de l'homme, considéré en lui-même, n'est autre que son affection (amour dominant), dont son visage et son apparence sont l'expression extérieure.
S'il en est ainsi, c'est parce que dans l'autre vie, il n'est plus possible pour personne de simuler des affections qu'on ne ressent pas, ni par conséquent d'avoir une apparence contraire à l'amour dans lequel on est. Tous, quels qu'ils soient, ne peuvent que parler comme ils pensent, et manifester, par leur physionomie et par leurs gestes, la nature véritable de leur volonté (intentionnel). »
(AC 457)
« La face externe est l'apparence, la face interne est l'essence et l'interne est intérieurement caché dans l'externe. Chacun dans le monde spirituel est l'effigie (l'expression, l'image) de son amour, non seulement quant à la face et au corps, mais aussi quant au langage et aux actions. La forme corporelle n'est qu'une forme externe, dans laquelle se présentent les intérieurs, comme la cause dans l'effet. »
(DP 220, 224. JD 30)
Ce processus, que Swedenborg nomme le processus de "dépouillement des externes", a de quoi dérouter et nous interroger en profondeur. Il y a en effet quelque chose d'effrayant dans cette perspective. On se retrouve sans paravent, plus moyen de cacher ce que nous sommes, de dire ce que nous ne pensons pas, d'agir en dehors de ce qui nous est propre. Nous voilà nu, il n'y a plus d'externes ! Après la mort de notre corps physique, suit une désagrégation progressive de notre moi terrestre. Tout ce qui nous est extérieur tombe, le moi social éclate, le petit moi se brise, et il s'agit bien ici de ce que l'on pourrait appeler une deuxième mort !
Les récits de Swedenborg sur le devenir post-mortem de certains de ses amis et relations, parfois illustres, se sont avérés souvent surprenants. On y assiste à de magnifiques transformations, mais aussi à des retournements de personnalité et des inversions de valeurs impressionnants. Le dernier y devient parfois le premier et le premier, le dernier !
On comprend mieux ce que Swedenborg entendait lorsqu'il disait précédemment que le "jugement" de l'homme consiste en soi dans sa vie prochaine dans le monde des esprits. Il n'y a là ni procès, ni condamnations, ni récompenses, ni peines, ni tourments, imposés par un quelconque censeur Divin. Pour Swedenborg, l'image du "jugement dernier" dans la Bible, n'est qu'une représentation symbolique de ce processus de "dépouillement des externes".
Avec cette deuxième mort, celle du moi externe, survient une deuxième naissance, celle de ce "Qui", que nous sommes dans notre profondeur, sans fard et sans fausses apparences. Mais au fait, sommes-nous vraiment certains de savoir qui nous sommes vraiment et de quoi nous sommes faits, d'être conscients de tout ce qui nous habite, et dont nous sommes investis, chargés, parfois même à notre insu ? Il est en tous les cas certain que nous le saurons à ce moment-là, car tout cela y devient alors plus manifeste que jamais.
D'où la nécessité, comme pour "le Petit Prince", de faire tous les matins la toilette de sa planète, en étant constamment vigilant à ce qui entre et qui sort de la demeure de nos esprits. Et d'être, par-dessus tout, attentifs à la conscience, à la valeur, à l'intention que nous mettons dans chaque chose, chaque relation, chaque instant de notre vie. Notre devenir futur en dépend, car s'il n'y a pas de procès, il n'y a non plus aucune indulgence, aucune dérogation, aucune faveur, aucune grâce salvatrice possibles, en dehors de nous-mêmes. Car, bien davantage que dans le monde terrestre, les choses ne sont, plus que jamais, rien d'autre que ce qu'elles sont, il ne peut plus y avoir de fausses apparences !
Il n'y a que le prix de la liberté, celle de nous déterminer pour le meilleur de nous-mêmes, ou de laisser au contraire entrer en nous les mauvaises énergies ou les démons. En réalité, nous y sommes bien plus libres et responsables de nos destins. Soumis à la seule règle qu'ici, "on récolte à coup sûre ce que l'on sème". C'est en cela que consiste "le jugement", en un processus de décantation, de clarification, et de sublimation progressif.
Pour celui qui a mis au centre de sa vie et de son être les valeurs essentielles que sont, la reconnaissance du Divin et la compassion pour tous les êtres, ainsi que la recherche de la connaissance, au sens de la sagesse, ce dépouillement des externes est un véritable dévoilement de son être dans la lumière de ce qu'il est au plus haut de sa personne, au plus intime de son âme, l'âme vaisseau du Divin. Il devient alors fils de la "Lumière", elle devient alors fille du "Soleil".
Voyons, avant d'aller plus loin, ce que nous en dit encore Eva K. Dargyay dans sa présentation du Bardo-Thödol :
« La métaphore mythique la plus frappante du Bardo-Thödol est sans doute celle du "tribunal de la mort". Yama, le dieu de la mort, siège au tribunal au-dessus des morts. Deux génies, qui sont les deux parties de l'âme du mort, apparaissent sous la forme de cailloux blancs et de cailloux noirs, qui représentent les actions du mort. Pour reconnaître le véritable caractère du mort, le Dieu consulte un miroir.
On retrouve ces scènes d'un tribunal de la mort, en Inde comme en Occident, dans le "Livre des morts égyptiens" et dans "l'Odyssée", ainsi que dans la littérature eschatologique judéo-chrétienne. Le "Livre tibétain des Morts" se sert de ces représentations mythiques pour aider l''homme à approcher le plus possible de sa propre réalité.
Il répète inlassablement que les actes de l'homme, commis de son vivant, physiquement, en parole et en pensée, déterminent son destin dans l'état intermédiaire après la mort et la possibilité d'une naissance nouvelle. Mais l'acte, n'est pas entendu ici au sens d'un simple acte nu, mais c'est l'intention qui habite chaque acte et qui le déclenche, qui est prise en considération. Dans chaque acte, sont inclus une volonté, un désir, un "vouloir entrer en action" qui le précèdent, une intention. Le résultat du karma, n'est pas une somme des forces mais l'opposition de différentes forces qui, selon leurs composantes, donne un résultat contenant en lui-même un nouvel équilibre des forces, dans une nouvelle direction. Il détermine la potentialité d'un nouveau karma qui le poussera à naître de nouveau. »
("Bardo-Thödol", Albin Michel, 1977.)
Ici encore, bien qu'exprimé dans un langage très différent, on ne pourra manquer de remarquer certaines analogies entre les enseignements tibétains et ceux de Swedenborg.
Le voile se lève, nous commençons à entrevoir quelques perspectives de ce qui nous attend bientôt. Voyons maintenant dans quel monde nous sommes passés, et ce vers quoi il nous conduit. Suite : le monde spirituel
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